LA VASE ET LE SEL
- Résumé du projet de co-création musicale
L’artiste plasticienne Bettina Samson a réalisé en 2019 La Vase et le Sel, orgue à vapeur monumental alimenté sous pression par l’Usine de traitement des déchets Valbom, à Bègles.
Elle s’associe en co-création avec le compositeur et batteur Xavier Roumagnac dans le but de concevoir huit nouveaux morceaux.
La diffusion officielle du nouveau répertoire sera actée lors d’un évènement organisé pour Bordeaux Métropole pour les journées du patrimoine 2024.
La Vase et le Sel diffuse quotidiennement son programme dans l’espace public du mercredi au dimanche à 15h08.
- Présentation de l’oeuvre La Vase et le Sel, 2019
L’installation prend la forme d’un orgue à vapeur monumental et devient, pendant de courts instants, à la fois une sculpture sonore et une sculpture de vapeur.
Articulant la Garonne à l’Unité de traitement et de valorisation des déchets dont elle tire la vapeur nécessaire à son fonctionnement, ses 38 sifflets jouent une musique au souffle dissonant, comme surgie des organes d’une machine vivante et autonome.
Ses nappes sonores et ses mélodies évoquent de loin en loin les marches presque dansées du Jazz Fu- neral de la Nouvelle-Orléans, mais aussi les rythmes vifs des fifres des Méringues paysannes haïtiennes, peu connues en Europe, constitutives du patrimoine immatériel vivant d’Haïti et de sa diaspora.
Par ses manifestations, l’œuvre laisse incidemment émerger l’histoire coloniale enfouie, marquée par la traite atlantique et l’esclavage. Bordeaux, port colonial et négrier, fut spécifiquement relié à l’île de Saint-Domingue avant que celle-ci n’arrache son indépendance à la France en 1804 pour devenir Haïti, la première République noire libre du monde.
Activation automatique de l’orgue : L’œuvre joue du mercredi au dimanche à 15h08 (durée : entre 8 à 10 min). Cet horaire est une transposition du 15 août 1791, date du début de la révolution haïtienne menée par les esclaves pour l’Indépendance.
- Note d’intention musicale du compositeur Xavier Roumagnac
La rencontre avec Bettina, son discours artistique à travers La Vase et Le sel et le projet de composi- tion qui en découle résonnent en moi comme une évidence.
D’une part l’orgue à vapeur conçu et conceptualisé par Bettina comporte des spécificités physiques me renvoyant à mes études scientifiques. En effet, l’instrument intègre trois instances interconnectées relevant de trois domaines de la physique : la thermodynamique, la mécanique et l’électronique.
D’autre part le travail mémoriel sur l’histoire coloniale mise en évidence par l’œuvre de Bettina rentre en résonance directe avec mon travail de composition pour mon groupe Eklectik Band et ma réflexion autour des rythmes créoles et métissés qui définissent la France d’aujourd’hui.
Ainsi, le cycle de composition se distinguera par une science rythmique.
Diverses thématiques seront finement transcrites, notamment l’histoire de la diaspora noire qui sera narrée à travers l’évocation de rythmes variés tel que le Gwo-ka, le Dunumba, la Trap, le Coupé décalé, le Bembe ou encore le Maloya.
L’implantation de l’œuvre sur le site de l’usine de traitement des déchets orientera la composition vers une esthétique dite « industrielle», se rapprochant de la musique concrète par l’utilisation de l’orgue comme « machine à vapeur » rythmique au sens auditif premier.
Le va-et-vient des camions déversant les déchets au cœur même du dispositif ainsi que l’impact des marées sur le sens d’écoulement et le niveau de la Garonne seront signifié par un style minimaliste ou répéti- tif.
La somme de mes desseins, couleurs, mouvements, rythmes feront du chemin de halage dont la na- ture évoque parfois les rives du Mississippi un véritable écrin de contemplation.
Le public pourra être surpris par la découverte poétique et déroutante d’une musique qui semble en ces lieux irréelle, offrant ainsi une perspective sur ce que l’on cache : le traitement des déchets non recyclables d’une métropole, valorisés en électricité et en vapeur.
En parallèle, ou plutôt, en creux, le projet participe au dévoilement d’une violence, la violence d’une occultation historique à Bordeaux, celle de son propre passé colonial et négrier.
L’artiste Bettina Samson révèle un projet fort, intense et polysémique dont la création musicale doit épouser le propos. Cette composition est pour moi un réel défi musical, comme l’est chaque création, mais encore davantage tant ce projet est atypique et par là même enthousiasmant.